L’accident de l’électrobus et le drame du petit RATEL et de Boniface GUGLIELMI en 1942

Mémoire transmise d’Avrieux : l’accident de l’électrobus et le drame du petit RATEL et de Boniface GUGLIELMI en 1942

« Je n’y étais pas, non. Mais j’avais à peu près le même âge que le petit RATEL quand c’est arrivé. Environ dix ans. Et cette histoire, on me l’a racontée si souvent qu’elle est gravée en moi comme un souvenir. »C’était au tout début des années 40, juste avant la guerre, bien avant les bombardements de 1943. À cette époque, il existait dans la vallée un drôle de camion qu’on appelait l’électrobus. Une machine étonnante pour son temps, car elle roulait à l’électricité. Il y en avait plusieurs modèles : certains transportaient des passagers entre Modane et Lanslebourg, d’autres étaient réservés au transport de matériel, de marchandises et de vivres.Ce jour-là, c’est Justin PORTAZ qui conduisait l’un de ces véhicules. Un camion de transport, pas de ceux où l’on montait pour le confort, non. Justin habitait au Pont, à Avrieux. Tout le monde le connaissait.En descendant de Lanslebourg, près de l’embranchement qui mène à la route de la Repose, au dessus d'Avrieux, Justin a croisé RATEL, le chef cantonnier de Modane, qui était avec son jeune garçon. Ils ramassaient des bovattes pour le chauffage — une habitude courante en ces temps-là.C’est RATEL, le père, qui a demandé à Justin :« Tu peux descendre mon fils à Modane ? »Justin a accepté, comme on le faisait entre gens de la vallée, en confiance. Le petit est monté à bord, sans se douter de rien.Mais à peine 100 mètres plus bas, le camion a quitté la route. Justin a raconté avoir reçu une décharge électrique par le volant — le courant aurait traversé le système de conduite. Il n’a pas pu réagir. Le véhicule a plongé dans un talus.Le jeune RATEL est mort dans l’accident. Il avait à peu près mon âge. Un autre homme, Boniface GUGLIELMI, qui travaillait aux Ponts et Chaussées, y a également laissé la vie. Justin, lui, a survécu — mais blessé : il a perdu une oreille dans le choc.L’accident avait marqué tout le village, toute la vallée même. Ce qui apparaissait comme une avancée moderne s’est soudain transformé en cauchemar.Justin faisait partie d’une vieille famille d’ici. Il était le frère de Désiré, né au tout début du siècle, et d’Alice, qu’on pense née vers 1913. Des gens bien connus d’Avrieux.Je ne l’ai pas vu, cet accident. Mais il m’a accompagné toute ma vie. Peut-être parce que j’aurais pu être ce petit garçon. Peut-être aussi parce qu’ici, à Avrieux, les souvenirs ne s’effacent jamais complètement. On les porte, on les transmet — pour qu’ils restent vivants.Témoignage recueilli en mai 2025 par un habitant d'Avrieux
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